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L'Orange Mécanique - Anthony Burgess

Je tiens avant tout à préciser la particularité de ce roman, qui dû certainement être un vrai calvaire pour les traducteurs. En effet, Burgess publie en 1962 un livre que l'on réduirait vulgairement en disant qu'il est écrit en anglais. Le roman est écrit en Nadsat, sorte d’argot futuriste anglo-russe parlé par le protagoniste du roman ainsi que ces amis. Et là où le roman est très fort, c'est qu'au début de la lecture on est perdu, on jongle sans cesse entre les pages et le généreux glossaire. C'est avec un certain plaisir mais surtout une réelle surprise que j'appris au fur et à mesure de la lecture à délaisser le glossaire, devinant les mots ou les connaissant déjà. Enfin à la fin des 251 pages du livre, on en vient à utiliser soi-même des mots de Nadsat.

Puis on se fait interner pour dédoublement de personnalité. Non, je rigole.

Bien que sa langue fictive mais qui devient vite instinctive suffise à valoriser ce roman, je tiens tout de même à parler de son contenu, pour le moins très appréciable.

En effet, et ce comme dans l'adaptation cinématographique (plutôt réussie) de Kubrick, le personnage traverse et raconte trois phases de sa vie : avant Ludovico, pendant Ludovico, après Ludovico.

La première partie du roman, c'est la petite vie tranquille d'un jeune de 14 ans du nom d'Alex Delarge, particulièrement déviant et amoureux de Beethoven. Avec sa bande d'amis, ses drougies, il passent leurs nuits à errer dans un triste Londres futuriste, et comme il faut bien s'occuper, ils volent, violent, agressent, tabassent et se battent toute la nuit, puis dorment toute la matinée afin de sécher les cours mais surtout pour se remettre les neurones en place et se reposer pour remettre ça le soir suivant. Et ainsi de suite.

C'est clairement agréable à lire, la violence y est cru sans l'être, on rigole avec lui car cet adolescent est heureux, sa façon de s'exprimer le rend attachant malgré toutes les horreurs qu'il décrit. Car oui, on adore cet anti-héro vicieux et violent, comme une projection improbable de ce qu'on n'aimerait certainement pas être mais qui nous attire, une rock star moderne en sorte, qui écoute cette bonne vieille symphonie numéro 9 au lieu de jouer de la guitare avec ses dents. Et pour couronner le tout, il nous donne des petits sobriquets tout à fait agréables. Qu'il est mignon.

Mais voilà, la vie n'est pas rose, et ça Alex va le découvrir à ses dépends. Car Alex se fait avoir par ses drougies, ces sales traitres. Du coup, voyage à la case prison, ne passez pas par la case départ, ne recevez pas 20.00 francs.

On décide alors d'utiliser Alex pour expérimenter la fameuse méthode Ludovico, à savoir confronter le violent à la violence, de façon à ce qu'il en soit tellement dégouté qu'il en devienne un mollusque calme et docile. Et ça marche. Ça marche même très bien, et le cobaye Alex devient alors, à son grand désespoir, inoffensif.

Cette partie renforce encore plus l'attachement ambiguë que l'on éprouve pour le personnage, qu'on souhaite redevenir violent, car il nous fait de la peine ainsi, doux comme un agneaux, lui qui était autrefois si dangereux.

Et nous ne sommes pas au bout de nos peines. En effet, et en vue de la réussite du programme sur le détenu 655321, celui-ci est relâché dans la jungle, et commence alors pour lui une descente aux enfers sans précédent.

Car il est alors confronté à tout ses démons, qui semblent l'avoir attendu, et profite de sa soudaine faiblesse pour se venger, que ce soit le professeur tabassé ou l'écrivain au manuscrit déchiré.

Sans défense, il se retrouve seul et sans cesse agressé pendant ce qui est la période la plus dure de sa vie.

Je vous laisse la surprise à propos de la fin extrêmement différente de celle du film.

Au delà de la flagrante critique de la violence de la société et du problème de la réinsertion des détenus, Anthony Burgess nous livre un conte moderne addictif et et à la sensibilité caché derrière la cruauté malsaine du héros, puis révélé par sa malheureuse destiné et son désespoir, lorsqu'il se rend compte que pour lui la liberté s'assimile simplement à la condamnation informelle et justifiée par la vengeance des citoyens, devenant plus affreux qu'il ne l'était lui-même. Jamais les démons du passé n'ont été si dévastateurs.

Cette histoire nous semble contée par Alex lui même, qui s’adresse au lecteur comme s'il était son seul et unique ami, créant une relation forte avec nous et nous transmettant ses ressentiments, ses jouissances et ses inquiétudes, son dégout et sa tristesse.

Un livre incontournable , unique et surtout inoubliable.

Bonne lecture, O mes frères.

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